L’apparence et la consistance de Dieu comme   personnage dramatique dans L’Otage de Paul Claudel

 de Gabriele Niccoli
 

 

«Dieu seul est véritable» - Sygne

(L’Otage, Acte I, scène I)

 

 


   Il y a dans le drame de Claudel un personnage dramatique invisible; un per- sonnage, d’ailleurs, que le spectateur ou le lecteur peut sentir et percevoir, un personnage toujours présent et qui représente tout de même la perfection (à plusieurs niveaux, inclus, il me vient de penser, celui dramatique) – la vérité, l’amour, et la vie et la joie éternelles. Ce grand et véritable personnage dramati- que qui ne semble avoir aucune apparence mais qui se promène tout de même sur la scène claudélienne et dont la consistance ou présence est attestée en di- verses mesures par tous les personnages, comme je chercherai de démontrer, c’est Dieu le Père. Je crois que Dieu est en général et dans sa consistance un véritable dramatis persona dans le théâtre de Paul Claudel, et L’Otage, la premiè- re des trois pièces qui forment la trilogie, en est un bon exemple. Dans cette pièce Dieu est un vrai personnage, authentique, c’est à dire que Dieu est ici un élément essentiel pour l’action et l’intrigue du drame.
   Dès la première scène du premier acte on peut sentir la présence de ce per- sonnage invisible sur la scène. On voit d’abord une grande croix avec un cruci- fix; mais il y a aussi une “porte qui s’ouvre sans que l’on voie personne…” Est-ce Dieu, ce personnage invisible qui entre sur la scène par cette porte? Peut-être que Claudel, catholique orthodoxe, veut nous rappeler que le Dieu dans son omnipotence, omniprésence et ubiquité rédige et en même temps s’incarne dans la théâtralité du monde. A ce propos, Georges Cattaui, dans sa merveil- leuse étude de la trilogie, a constaté que Dieu s’élève entre les personnages avec toute sa puissance de séparation. Il est, plus que jamais, ici, celui qui por- te le glaive, celui qui sépare le frère de la soeur, l’amant de l’aimé, la mère de l’enfant.(1) C’est donc la séparation le rôle de ce personnage? Ce Dieu, déjà du commencement de la pièce, comme nous avons occasion de voir, dans sa pré- sence-absence et donc dans le dialogisme qui existe entre elles, semble exiger des sacrifices énormes des êtres humains. C’est peut-être la raison parce que quelques critiques ont trouvé assez difficile de croire en un tel Dieu. Par exam- ple, le grand François Mauriac, admirateur de Claudel, ne peut pas prêter sa crédibilité à la scène de l’abbé Badilon et Sygne (acte II, scène II). Pour Mau- riac, en effet, ce curé Badilon qui, pour sauver le Pape prisonnier de l’empe- reur, oblige Sygne de Coûfontaine à épouser cette espèce de Fouché, homme politique français de la meilleure doctrine machiavélique, “… cet homme que vous appelez Turelure, et qui lui fait un ‘devoir’ de ce mariage criminel avec l’assassin de ses parents, pardonnez-moi, Monsieur, de n’être jamais parvenu à l’admettre, ni même à y croire une seule seconde, en dépit de ce qu’a d’hallu- cinant cet envers catholique de l’histoire contemporaine que vous nous mon- trez.”(2) Mais Cattaui nous fait cependant constater que l’écrivain de Bordeaux se trompe cette fois, car Badilon conseille mais n’exige point. Une critique encore plus acerbe vient de Joseph Chiari qui trouve cette deuxième scène du deuxième acte absolument répulsive. Mais ici, de nouveau, on pourrait dire plus ou moins ce que Cattaui a énonce à propos de Mauriac. C’est à dire que M.Chiari, lui aussi, n’a pas compris la vraie signification que Claudel a voulu nous donner.

   Claudel veut nous montrer un Dieu pour lequel on ferait tout son possible pour Le satisfaire, car satisfaire l’Eternel veut dire gagner la joie divine et, pre- sque par syllogisme, éternelle. Mais il faut le sacrifice. L’être humain doit se sa- crifier avant qu’il obtienne cette grâce divine, cette joie éternelle. Et alors voila Dieu comme un véritable personnage dramatique, a personnage qui donne aux autres personnages sur la scène (du monde) la faculté d’obtenir la grâce. Il leur donne un choix. Il faut alors répéter le point utilisé par plusieurs critiques pour condamner de façon plausible ce Dieu. Ce Dieu claudélien, on peut dire catho- lique, ce Dieu, donc, n’exige pas, Il n’oblige non plus. Non, ce Dieu, dans son action ludique d’apparence manqué et de consistance palpable ne fait qu’insi- nuer les moyens pour obtenir Sa grâce. Monsieur Badilon le dit lui-même plu- sieurs fois dans la grande scène avec Sygne :


Sygne : Cela, ah, je refuse! je dis non! Quand Dieu en chair l’exigerait de moi.
M. Badilon : C’est pourquoi il ne l’exige aucunement.
Sygne : Que demandez-vous donc en Son nom ?
M. Badilon : Je ne demande pas, et je n’exige rien, mais je vous regarde seulement et j’attends, comme Moïse regardait la pierre devant lui quand il l’eut frappé.
Sygne : Qu’attendez-vous ?
M. Badilon : Cette chose pour laquelle il apparaît que vous avez été créée et mise au monde.
Sygne : Dois-je sauver le Pape au prix de mon âme ?
M. Badilon : A Dieu ne plaise ? Que nous recherchions aucun bien par le mal.

Dieu n’est pas donc un deus ex machinâ, prêt de sauver la situation dans une
crise. Eh bien, le Dieu de L’Otage n’est pas ceci. Il se montre au contraire com- me un personnage plutôt objectif au niveau dramatique, une présence dramati- que qui, comme le Moïse biblique sur le mont Sinaï (l’analogie de Badilon est significative pour mieux comprendre la vision de l’histoire que le dramaturge français dépanne de la trilogie), cherche d’illustrer la signification profonde de la pierre. Donc on pourrait en ce cas dire qu’il n’est pas nécessaire d’obéir à certaines règles, mais il faut certainement les examiner de manière critique.
   Le Dieu de Claudel. Il me semble percevoir, n’est pas, comme insinue Joseph Chiari,(3) une force lourde et aveugle qui écrase une victime innocente, comme le faisaient les dieux grecs (dans leurs diverses tragédies), dieux qui étaient des véritables dei ex machinâ. Au contraire il me semble pouvoir dire avec une quel- que mesure de confiance que ce Dieu chez Claudel, comme j’ai déjà eu occa- sion de mentionner, est une divinité omnipotente qui sait et veut offrir à l’hom- me le privilège du libre arbitre. Mais, et c’est peut-être ici que l’on voit la doc- trine catholique du dramaturge qui devient vraiment opérationnelle, l’homme magnanime, l’homme doué de grande anima, veut naturellement plaire à son Créateur, et cette magnanimité lui montre les moyens de Lui faire le plus plai- sir. En écrivant sur l’axiome que la souffrance se forme très souvent du fait que, pour faire le mieux possible on doit d’abord faire le pire possible, Jacques Guicharnaud affirme que faire le pire, avec l’héroïsme de son acceptation et avec la victoire qui consiste en vouloir faire ce que l’on fait avec réluctance, bien, ceca constitue le sacrifice. En effet, la dramaturgie de Claudel nous don- ne souvent l’impression d’être un long rite sacrificatoire. Guicharnaud nous in- forme qu’à l’issue de la cinquantième mise en scène de Le soulier de satin Clau- del a observé que « …sacrifice somehow provokes the divine part. By willingly withdrawing, we make room for an incited action of Grace, as it were ; we are playing on the side of the All Powerful for an enormous profit.».(4) Et après, encore, en parlant du mal : « …of course, the face of evil is always recogniza- ble (Turelure dans ce cas). That evil is necessary, however. There is no purity without impurity, no Paradise without Hell, no salvation without sin or appa- rent sin, which would mean that Claudel’s works are authentically Christian in emphasizing the corruption of Creation after Adam’s fall. ».(5) Encore une fois, Dieu est donc présent chez les personnages sue la scène de Claudel de la mê- me façon qu’Il était présent au temps du Paradis terrestre. Juste comme alors, quand Il prémunit Adam et Eve contre l’arbre métaphorique de la connaissan- ce, ainsi maintenant Il semble être le même personnage qui suggère, qui avertit, mais qui n’oblige pas. Le drame nous montre, en tout cas, une liberté dans le choix, le pouvoir de rejeter; mais ne perdons pas de vue que le choix de Sygne (le sacrifice qu’elle fait de son amant pour sauver ce que l’on pourrait juste- ment appeler après tout un signe) – je m’excuse du pastiche des mots quoi-que je le trouve efficace – comporte l’évidente possibilité de la damnation du mê- me amant. Les autres personnages sur la scène-monde de L’Otage sont donc toujours libres de se condamner, s’ils le désirent.(6) Mais Sygne répondra à l’appel de Dieu et se sacrifiera, comme le Christ s’est bien sacrifié, pour toute l’humanité, pour sauver l’histoire. En ce cas, on peut comprendre facilement pourquoi Dieu n’agit pas comme deus ex machinâ, car Il laisse beaucoup de liber- té d’action à l’homme. S’Il avait voulu agir diversement pour sauver la situa- tion de crise, ayant forcé Sygne à se sacrifier pour le Pape, c’est à dire pour une propre écriture de l’histoire, s’Il avait voulu faire ceci, alors le dramaturge n’au- rait pas pu produire une tragédie vraisemblable, le type de genre cathartique qui se développe grâce aux actions des divers personnages sur la scène. Si l’Omnipotent avait employé sa puissance supraterrestre et suprathéâtrale pour pousser Sygne à agir, alors Il ne serait pas un véritable personnage dramatique mais quelque chose d’autre qui ne ferait pas partie du drame. Et encore, en ce cas, Il n’aurait pas pu jouer sur l’axe de l’apparence et de la consistance. Sygne ne serait pas non plus tragique, car la vraie tragédie vient aussi des vertus des grandes âmes, et elle n’aurait pas pu montrer la l’élévation tragique des ses quasi divines vertus si le Dieu ne lui avait pas donné le libre arbitre. Cependant Sygne accepte sa croix de sa propre volonté. Elle va faire, nous semble dire Claudel, ce qu’aucune autre femme aurait osé faire: elle va épouser Turelure. Sygne donc répond à l’appel de Dieu, à l’appel à l’héroïsme, et à un sacrifice suprême; un appel pour lequel elle se doit faire martyre.
   A la scène 2 de l’acte II, comme j’ai constaté, Sygne se trouve face à face avec un choix, un choix qui doit être fait sur-le-champ, entre l’amour de Dieu, tel que le concoit l’abbé Badilon, et l’amour de Georges, son cousin. Pour sau- ver le Pape, elle choisit librement, quoique encouragée adroitement par le prê- tre, de trahir Georges et d’épouser Turelure. Sa vocation, telle que la représen- te Badilon, est, comme déjà dit, de sauver le Pape. C’est à cette fin qu’elle a été « créée et mise au monde ». Le prix de cette action est le sacrifice de Geor- ges et l’abnégation de Sygne. Le rapport entre Turelure et Sygne laisse présager quelque possibilité de rédemption. Dans L’Otage l’intérêt dramatique réside dans la lutte qui partage l’âme de Sygne elle-même. Pour le monde catholique la Pape est pour sûr le père de tous les hommes et le représentant de Dieu sur la terre. Or, Pie VII est le prisonnier de l’Usurpateur. Ce Pape, ce faible vieil- lard persécuté, semble proprement être Dieu lui-même. Comme nous pouvons constater, Badilon assimile en effet le Pape à Dieu – « O mon enfant, dit-il à Sygne, quoi de plus faible et de plus désarmé que Dieu, quand Il ne peut rien sans nous? ». Dans la fameuse scène Badilon-Sygne, qui est la scène centrale et la plus dramatique de la pièce (même au niveau de structure dramatique in- terne), on a l’impression que Sygne parle directement à Dieu au lieu de parler à Badilon, et que celui-ci à son tour n’est qu’un ‘nuncio’ de Dieu, ou peut-être l’apparence de Dieu même. En fait, il parle avec une fermeté et une sûreétonnante, comme s’il savait déjà tout :


Et vous, que pour sauver le Père de tous le hommes, selon que vous
En avez
 recu vocation,
Vous renonciez à votre amour et à votre nom et à votre cause et à votre
Honneur en ce monde,
Embrassant votre bourreau et l’acceptant pour époux, comme le Christ
S’est laissé manger par Judas.
La Justice ne le commande pas.


Nous assistons ici à un Dieu qui se cache à travers une action métamorphique qui comporte une conscience du rapport inéludable qui existe entre les divers personnages et les rôles qu’ils sont appelés à jouer pour maintenir vif et
drama- tique le dialogue entre apparence et consistance. Puis commence une merveil- leuse espèce de crescendo poétique qui culmine dans le doux abandon de la céleste Sygne dans les mains du Créateur. Et l’héroïne annonce le début de son martyre avec cette phrase stupéfiante de la liturgie catholique qui est chantée précisément avant le sacramental de l’Eucharistie, le moment quand on parti- cipe au sacrifice suprême de la sainte messe – le corps et le sang de notre Sei- gneur :


Agneau de Dieu qui effacez
les péchés du monde,
ayez pitié de moi !


Sygne a choisi le sacrifice. Le Pape sera sauvé (un signe ne peut être sauvé que par un autre), non pas alors des moyens d’un deus ex machinâ, mais par l’horrible choix personnel de Sygne. On peut presque dire que Dieu a appelé Sygne en lui demandant de se sacrifier pour l’humanité, et qu’elle a su répondre à l’appel
di- vin, ou a su décodé un message qui communément échappe à la connaissance humaine.
   La présence de Dieu comme personnage dramatique est expliqué aussi plus tard dans la pièce par l’able Badilon qui dira : « Car Dieu même qui parlait par ma bouche, et qui entendait par vos oreilles…» À la présence de ce Dieu théâ- tralement vivant mais invisible Sygne a cédé et est devenue un soldat de l’ar- mée divine. Ici Dieu est un authentique personnage dramatique de la même fa- çon qu’Il l’est pendant le sacrifice et la formule sacramentelle de l’Eucharistie dans la messe, quand il y a la présence ou consistance réelle, juste comme sur la scène, de la Transsubstantiation. L’Eucharistie est donc l’illustration du sa- crifice de la Messe où le Christ est véritablement vivant dans la présence du pain et du vin. En même temps on assiste dans la Transsubstantiation à la con- version substantielle -- converso substantialis --, car le fils de dieu est substan- tiellement et essentiellement converti en quelque chose d’autre – l’action mé- tamorphique dont je parlais supra vis-à-vis aucuns aspects de mise en scène. Il faut noter ici l’image du pain et du vin, éléments qui sont aussi présents au dé- but du drame, quand Sygne est toute seule dans sa chambre – « une petite table sur laquelle il y a du pain et du vin… » Cette constatation nous fait penser que peut-être Dieu était en effet présent sur la scène dès la première action. Un personnage qui entoure et suit des autres qu’Il va choisir à son appel. Il les ap- pellent à leur vocation. Il les a choisis au sacrifice suprême qui leur donnera, malgré tout, la joie éternelle. On voit donc que Dieu semble parler avec une voix d’homme vrai et réel, comme le reste des personnages sur la scène.
   Wallace Fowlie, dans son étude de la littérature française contemporaine, nous fait noter que les personnages claudéliens « speak with the voices of real men and women who feel that humanity forms one body in that each man is responsible at every moment of his existence for all other men.» (7) Dieu aussi parle avec cette voix d’homme réel dans Son omniprésence, et Il fait noter à Sygne qu’elle, par le choix qu’elle fait, sera responsable des ses actions, sera responsable de toute l’humanité. Claudel croit, comme je l’ai déjà dit, dans l’omniprésence de Dieu dans l’univers. Or, le symbolisme portant de la religion chrétienne, ou plus précisément de la religion catholique, c’est la croix, ou le Christ, ou par extension le sacrifice. La religion catholique dans L’Otage semble avoir une mission universelle, ce qui est une sorte de contemplation de l’uni- vers. Il faut maintenir l’ordre préétabli qui réside dans l’esprit de Dieu, et donc l’ordre de l’univers même. C’est un ordre, au niveau symbolique, presque com- me celui de Dante, et de la Comédie du divin poète florentin: le monde sous le poids de la Croix. Et dans tous les deux la signification profonde et éternelle, la joie divine, la perfection sont garanties par le même Dieu catholique. Si ce Dieu claudélien est toujours présent, comme on continue à dire, dans l’ordre de l’univers des hommes, il faut alors que ce même Dieu soit présent sur la scène, dans l’ordre de l’univers des personnages dramatiques. Et c’est exactement ce que fait Claudel. Il pose son univers sur la scène, et tous les personnages, Dieu même inclus, y jouent leur rôle.
   Enfin, la mort de Sygne, tous les critiques semblent être d’accord, est sans doute mystérieuse et ambiguë. Plusieurs points d’interrogation subsistent sur sa conduite finale, et tous sans réponse. Cattaui défend ce point-ci de cette ma- nière :


Non ! Il n’est pas vrai de dire, comme l’a fait Gabriel Marcel,
que le Dieu de L’Otage est « démesurément partial », car Claudel
n’a pas voulu conclure. Il a voulu provoquer en nous
l’interrogation, l’anxiété, le saisissement. Il a voulu nous
montrer la pierre d’achoppement. Il nous oblige à rentrer en
nous-mêmes, à prier, à embrasser « cette croix qui nous tend
de toutes parts jusqu’à l’extrême. » Il nous mène à Gethsémani,
au pied du plus âpre des oliviers, arrosé d’une sueur de sang, et
nous fait entendre, dans la nuit épaisse où les disciples ronflent,
le seul écho du cri de ‘Lamma Sabachtani !’ Et par-là, Claudel
nous enseigne que c’est «la mort qui appelle toutes choses à la vie».
(8)

Le sacrifice de Sygne a été accompli. Elle est maintenant seule sur son lit de mort, comme le Christ l’était sur la croix. Comme Lui cloué sur la croix et qui voulait savoir avec son dernier cri pourquoi on l’avait abandonné, Sygne est, elle aussi, à la fin du sacrifice, abandonnée à soi-même. Il n’y a plus rien à
re- noncer. Elle est déjà avec le Père. « Coûfontaine Adsum! », lui dit M. Badilon, et elle peut seulement répondre entre le râle de son agonie : « Tout est épuisé. Tout est épuisé.» Oui, tout est épuisé. Il y aura une cinquième scène pour con- clure la pièce, mais les deux principaux personnages dramatiques s’en sont al- lés. Sygne, dans sa joie éternelle, peut maintenant et finalement voir ce Dieu vivant et dramatique, ce personnage éternel pour qui elle a tant souffert. J’ai cherché de soutenir, de façon plausible, j’espère, le rôle fondamental joué par la mise en scène de l’apparence et de la consistance dans L’Otage de Claudel, et la manière dans laquelle, me semble-t-il, ces deux éléments se fusent dans une sorte d’induction caché qui nous mène à concevoir le drame claudélien comme un ensemble de personnages qui, dans une forme de création réciproque, s'ex- plique au niveau dramatique par la latence du Dieu personnage en eux. Et en effet, les paroles presque poétiques de Sygne (« Dieu seul est véritable ») sem- blent vouloir donner au drame la clef d’interprétation.

 

 

 



St. Jerome’s University,  avril 2004


 

 

 

 

 

 

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Notes

 


1
. Cf. Claudel. Desclée De Brouwer, Paris, 1968, p. 92-98. Cf. aussi la Corre- spondance (entre Claudel et André Gide). Éditions Gallimard, Librairie Galli- mard, Paris.


2
. Cattaui, op. cit., 95. À propos de ce point voir aussi Louis Chaigne, Le chemin  de Paul Claudel. Paris, Éditions du Pelican, 135.


3
. The poetic Drama of Paul Claudel. P. J. Kennedy & Sons, New York, 118.
4
. Modern French Theatre. New Haven & London, Yale University Press, 1977, 73.


5
. Ibid.


6
. N’oublions pas ce qui aimait souvent remarquer Claudel, c’est à dire que  l’homme est toujours aussi libre de manquer sa vocation.


7
. Contemporary French Literature. Meridian Books, The world Publishing Co., Cleveland & New York, 1965, 218. Du même avis Henri Guillemin, Le “conver-ti” Paul Claudel, Gallimard, 1968.


8
. Op. cit., 116.